

L'arbre ailé,
histoire d'une installation pérenne cimetière de Valmondois
"Bouquet d’amour", précurseur au projet de "l’Arbre ailé" - Crédit photo : Franck Laguillez
Article paru dans la Revue de la Céramique et du Verre mai 2025
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Les nouvelles métamorphoses du deuil en France verront-elles la place pour une expression céramique moderne ? L'installation monumentale de Florence Thomassin ouvre une voie. Elle propose également une autre manière de considérer la mort.
Florence Thomassin, artiste dont la jeunesse porte l’empreinte des deuils, a été fascinée par le film « Jeux interdits ».
De là peut-être, un lien particulier aux cimetières : lieux de beauté et d’apaisement, lieux d’excursions. Lieux également d’où l’on repart avec un petit trésor glané, les fins de concession envoient à la casse tant de beautés à sauver. « Joie ! Le fossoyeur amical vous y offre parfois des couronnes de perles ou de très précieuses roses. ».
Au fil des décennies est ainsi née une belle collection de fleurs en céramique anciennes dans la pure tradition de l’âge d’or des barbotines (fin 19e début 20e).
Puis est venu le temps des confinements successifs, et la mission d’embellir, réparer le monde a plongé Florence Thomassin dans l’activité consolante d’offrir comme un ‘bouquet d’amour’ à tous les ‘envolés’. Dans l’intimité de son jardin a vu le jour une première installation, composée de ces fleurs de deuil entremêlées de sculptures personnelles.
Les crémations étant aujourd'hui majoritaires, des cérémonials nouveaux cherchent leurs rituels. Quid des cendres funéraires: urne, colombarium ou dispersion? Anonymat ou plaque mémorielle? Si ce sujet est devenu un thème d'étude, il s'impose aujourd'hui de manière très concrète à nos communes.
Aussi, les jardins du souvenir fleurissent-ils peu à peu, à la demande parfois des familles. C'est le cas pour le cimetière de Valmondois, village du Vexin devenu terre d'élection de la sculptrice. Entre forêt vallonnée et rivière, les fantasques jardins de la Villacacias sont tout à la fois une scène pour ses sculptures, des créations chimériques en céramique émaillée à sa façon, allant jusqu'au gigantesque, un parcours de cabanes, le refuge de son atelier, etc. C'est donc naturellement ici, à Valmondois, que l'idée d'un monument offrant un espace de recueillement a vu le jour et que l'idée est devenue projet, grâce à la sensibilité d'un maire concerné.
Inspirée du premier bouquet d'amour, l'œuvre dressée vers le ciel depuis un généreux socle circulaire se développe en un entrelacs de sculptures symboliques pour l'artiste: clés blanches pour ouvrir les portes d'un au-delà, oiseaux messagers de nos pensées vers le ciel ou grandes ailes douces pour bercer la peine se mêlent à quantité de fleurs anciennes dans une explosion de couleurs. Les bris de céramique glanés y trouvent une vie nouvelle, toujours recomposés, parfois réémaillés, comme un lien symbolique entre plusieurs générations d'œuvres. Par ce retour au cimetière, ils nous parlent dans une langue familière du « grand voyage», de transmission, de nos héritages communs anonymes et collectifs, des transformations obligatoires et des possibles renaissances.
Entre modernité singulière et tradition populaire, certaine que la beauté n'est pas accessoire dans les grandes étapes de nos parcours intimes, le vœu le plus cher de Florence Thomassin est que cette antenne vers le ciel puisse apporter un peu de baume à nos douleurs. Et sa fierté qu'elle survive à son grand départ, comme un legs serein. En quelque sorte, l'accomplissement de cette mission qui sous-tend toute son œuvre: caresser nos peurs et bercer le chagrin, célébrer la beauté avec la douceur de ses céramiques.
Albane HERRGOTT
L'inauguration officielle de ce monument pérenne s'est tenue en mai 2025.
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